Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, pourrait donner l’ordre à son armée de prendre le contrôle quasi-total de la bande de Gaza dans les jours qui viennent. Cette nouvelle escalade dans l'enclave affamée révèle "une fuite en avant", explique à TV5MONDE l'expert militaire et ancien officier de l'armée française, Guillaume Ancel.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'adresse aux journalistes avant une réunion, le mercredi 9 juillet 2025, au Capitole à Washington.
"Il est nécessaire de vaincre totalement l'ennemi à Gaza, de libérer tous nos otages et de s'assurer que Gaza ne constituera plus une menace pour Israël. Nous n'abandonnons aucune de ces missions", a assuré le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, lors d'une visite sur une base militaire ce mardi 5 août, selon un communiqué de ses services.
Cette déclaration est intervenue avant une réunion de son cabinet de sécurité visant à enclencher une nouvelle étape de la guerre dans le territoire palestinien dévasté, après près de deux ans bombardements.
Dans l'après-midi, Benjamin Netanyahu a tenu selon ses services une "réunion restreinte de sécurité de près de trois heures" au cours de laquelle "le chef d'état-major de l'armée lui a présenté les options pour la poursuite des opérations à Gaza". Le Premier ministre israélien pourrait prochainement donner l’ordre à son armée de prendre le contrôle quasi-total de l’enclave palestinienne.
"C'est une fuite en avant de Benjamin Netanyahu qui doit affoler l'appareil sécuritaire", estime à TV5MONDE Guillaume Ancel, ancien officier, chroniqueur et auteur de Petites Leçons sur la Guerre. Sachant que aujourd'hui, on ne peut pas compter sur les chefs militaires actuels pour dire: 'ça suffit', parce que Netanyahu a fait écarter systématiquement tout ceux qui l’avaient critiqué."
Lundi 4 août, des sources proches du dirigeant israélien ont déclaré au quotidien Yediot Aharonot: "Les dés sont jetés, nous allons occuper totalement Gaza. Si cela ne convient pas au chef d'état-major de Tsahal, il peut démissionner."
Des officiels, s’exprimant sous couvert d’anonymat dans la presse israélienne, affirment que Benjamin Netanyahu prépare une nouvelle escalade des opérations dans la bande de Gaza. La radio publique Kan résume: "Benjamin Netanyahu veut que l'armée israélienne conquière toute la bande de Gaza."
Selon la station de radio Kan, plusieurs ministres "ont confirmé qu'il a décidé d'étendre le combat aux zones où des otages pourraient être détenus".
"Je pense que Benjamin Netanyahu se nourrit de la guerre et qu’il est très embêté à l’idée que la guerre s’arrête", indique Guillaume Ancel. L’ancien élève de Saint-Cyr et lieutenant-colonel estime que le Premier ministre israélien est "un miroir du Hamas qui, depuis le début, se sert de l’organisation palestinienne".
Si la guerre s’arrête, la société civile israélienne va lui demander de rendre des comptes. Il se retrouvera contraint d’expliquer le nombre de morts sur la bande de Gaza, la mort des otages, la famine.
Guillaume Ancel, ancien officier, chroniqueur et écrivain
Selon lui, Benjamin Netanyahu a besoin du Hamas "parce que sa survie politique réside dans un état de guerre permanente: tant que la guerre continue, personne ne le remettra en cause. Si la guerre s’arrête, la société civile israélienne va lui demander de rendre des comptes. Il se retrouvera contraint d’expliquer le nombre de morts sur la bande de Gaza, la mort des otages, la famine".
(Re)lire 600 camions dans Gaza chaque jour : Israël réautorise l'entrée des marchandises
"Cette décision dramatique" signifie que l'armée va "commencer à combattre dans des zones" qu'elle n'avait pas encore pris pour cible "par crainte de nuire aux otages", analyse le quotidien Maariv. Le média cite notamment les camps de réfugiés du centre de la bande de Gaza qui pourraient devenir l’objet d’attaques de l’armée israélienne.
Alors que la presse israélienne spécule sur les plans de Benjamin Netanyahu, et évoque même une possible opposition du chef d'état-major de l'armée, le lieutenant-général Eyal Zamir, le ministre de la Défense déclare qu’Israël doit prendre "toutes les mesures nécessaires pour vaincre le Hamas" dans la bande de Gaza.
Israël Katz assure aussi qu’"une fois que la direction politique aura pris les décisions nécessaires, l'échelon militaire, comme il l'a fait sur tous les fronts de guerre jusqu'à présent, mettra en oeuvre professionnellement la politique déterminée".
"Les négociations d’Israël avec le Hamas ont été mises de côté", a déclaré l’ambassadeur d’Israël en France, Joshua L. Zarka, sur le plateau de TV5MONDE, lundi 4 août, car "le Hamas n’est pas un acteur sérieux". L’ambassadeur a indiqué que "le gouvernement essaye plutôt de trouver un moyen de libérer les otages et de mettre fin à la guerre par des voies militaires plutôt que par la négociation".
De nombreux membres de l’armée et des services de sécurité israéliens, y compris d'anciens hauts responsables, ont déclaré que "le Hamas ne représente plus une menace stratégique pour Israël" dans une lettre du mouvement "Commandants pour la sécurité d’Israël", rendue publique dans la nuit de dimanche 3 à lundi 4 août.
Le courrier compte 550 signataires : anciens chefs espions, militaires, policiers et diplomates. Ils estiment que leur pays "dispose de tout ce qu'il faut pour gérer ses capacités résiduelles de terreur, à distance ou autrement" et exhortent Donald Trump à faire pression sur le gouvernement de Benjamin Netanyahu pour mettre fin à la guerre.
"Cette guerre a commencé comme une guerre juste, une guerre défensive. Mais une fois tous ses objectifs militaires atteints et une brillante victoire militaire contre tous nos ennemis, elle a cessé d'être une guerre juste, affirme Ami Ayalon, ancien directeur du Shin Bet. Elle conduit l'État d'Israël à la perte de sa sécurité et de son identité."
Dans la vidéo publiée avec le courrier, l’ancien directeur du Mossad, Tamir Pardo, déclare: "Nous nous cachons derrière un mensonge que nous avons engendré. Ce mensonge a été vendu au public israélien, et le monde a compris depuis longtemps qu'il ne reflète pas la réalité".
"La question dans une guerre, c’est comment on l’arrête, explique Guillaume Ancel. On est pas sûr que Benjamin Netanyahu ait vraiment envie d'arrêter cette guerre, même si c'est au prix des otages Israéliens." 49 otages, dont 27 déclarés morts, sont toujours retenus, depuis le 7 octobre 2023, dans la bande de Gaza. "On ne libère pas des otages en les bombardant et en les affamant. C’est un non-sens tactique", affirme l’ancien officier.
L’opinion publique israélienne s’élève de plus en plus pour dénoncer les actions du gouvernement et la souffrance de plus de deux millions de Palestiniens, entassés sur un territoire dévasté et menacé de "famine généralisé", selon l’ONU. "La balle est dans le camp de l'occupant (ndrl : Israël) et des Américains", a commenté un dirigeant politique du Hamas, Hossam Badran, affirmant la volonté du mouvement "d'arrêter la guerre et mettre fin à la famine".
Guillaume Ancel estime que "seul Donald Trump est capable d’arrêter les plans de Benjamin Netanyahu. Mais je n’ai pas l’impression qu’il en ait l’intention pour le moment." L’ONU a également réuni mardi son Conseil de sécurité sur l’initiative d’Israël pour une session dédiée à la question des otages israéliens à Gaza.
Le ministère de la Santé de Gaza a déclaré, mardi 5 août, que huit personnes étaient mortes de malnutrition, dont un enfant, portant à 188 le nombre total de personnes décédées de faim depuis le début de la guerre. 94 d’entre eux étaient des enfants.
"Les images de personnes mourant de faim à Gaza sont déchirantes et intolérables. Le fait que nous en soyons arrivés là est un affront à notre humanité collective, a déclaré Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, lundi 4 août. Israël continue de restreindre sévèrement l'entrée de l'aide humanitaire à Gaza, et l'aide qui est autorisée à entrer est loin d'être suffisante pour répondre aux besoins."
L’ancien officier alerte: "Ça, c'est un crime contre l'humanité. Ça, ça s'appelle une volonté de détruire un peuple." Il explique d’abord avoir été contre la qualification de génocide car il estimait que l’armée israélienne n’avait jamais reçu l’ordre de détruire le peuple palestinien. "Là, avec cette famine il n’y a pas de doute, c’est un génocide."
Un tiers de la population de la bande de Gaza serait aujourd’hui en malnutrition, c’est-à-dire en incapacité de se nourrir une fois tous les trois jours.