«La génération la plus égoïste qui ait jamais existé» : la suspension de la réforme des retraites ravive les tensions entre jeunes actifs et «boomers»
TÉMOIGNAGES - Inquiets, les millenials déplorent un futur économique et une ascension sociale bien moins reluisants que ce qu’ont connu leurs aînés.
Le sujet de la réforme des retraites est devenu explosif entre Antoine, 36 ans, et ses parents - sa mère ne travaille plus depuis ses 60 ans et son père depuis ses 62 ans. «L’autre jour, je déjeunais chez eux et on n’arrivait pas à s’entendre. Quand je leur explique qu’on ne demande qu’aux jeunes de faire des efforts, qu’ils sont responsables de la situation car ils ont toujours voté socialiste, et qu’eux aussi doivent faire des efforts, ils me répondent : “J’ai assez travaillé, j’ai donné ma part”», s’insurge le salarié, habitant de la Sarthe. «Même quand je leur expose mes inquiétudes à propos de l’avenir de mon fils de deux ans ils ne réalisent pas. Il va bientôt rentrer à l’école dans des conditions d’enseignement dégradées , faute d’investissements, et je me dis que l’argent qu’on met dans les retraites pourrait aller dans l’Éducation nationale. Ils préfèrent priver mon fils - et les autres enfants - d’une école de qualité plutôt que de faire des concessions», s’emporte Antoine, qui gagne un peu plus de 4000 euros brut par mois.
Le trentenaire a pris conscience de ce «déséquilibre social» dès le début des débats sur la réforme des retraites. À ce même moment, des milliers de Français comme Antoine, préoccupés par la santé économique du pays, et de l’état de leur future retraite, ont commencé à manifester leur grogne envers les «boomers» - terme devenu un fourre-tout pour désigner notamment les retraités, surtout les plus aisés - sur les réseaux sociaux. Cette vague de contestations a donné naissance au mouvement «NicolasQuiPaie», ce personnage fictif devenu l’allégorie du jeune contribuable bonne poire qui paye pour les autres, et au slogan «Baisser la retraite géante des boomers », très populaire sur X. Ce débat est revenu en force sur cette plateforme mardi après l’annonce de la suspension de la réforme par Sébastien Lecornu.
«Les jeunes se montrent très inquiets car ce sont eux qui vont payer cette décision politique qui ne bénéficie qu’à la génération née entre 1964 et 1968», résume Maxime Sbaihi, économiste et auteur de l’ouvrage Les balançoires vides (Éditions de L’Observatoire). «Ils le ressentent sur leur fiche de paie : ils ne touchent en moyenne que la moitié de ce que paye l’employeur. L’autre moitié part dans les prélèvements de cotisations sociales, dont une grosse partie sert à financer les retraites», poursuit le spécialiste. Ce ras-le-bol fiscal s’explique aussi par le fait que le taux de pauvreté est plus important chez les jeunes que chez les personnes âgées. Concrètement, 45% des personnes pauvres ont moins de 30 ans, tandis que 12% ont plus de 65 ans. «Il y a 50 ans c’était l’inverse», compare Maxime Sbaihi qui conclut que «le travail ne paye plus autant puisqu’il finance la pension des retraités». Ces derniers n’ont, d’ailleurs, jamais été aussi nombreux souligne l’économiste : 17,2 millions, un record historique.
Baisser les pensions retraites actuelles
Antonin, 30 ans, ressent beaucoup de «frustration» et de «tristesse» face à cette situation. «Je travaille plus de 40 heures par semaine pour voir une part importante de mes revenus partir en impôts et cotisations qui, au lieu de financer des services publics de qualité (hôpitaux, éducation, justice, police) servent surtout à préserver le niveau de vie d’une population déjà privilégiée», déplore ce cadre supérieur parisien. Malgré des revenus confortables - environ 5000 euros brut par mois -, il lui est impossible d’acheter un appartement à Paris, alors qu’une grande partie de l’ancienne génération a profité d’un meilleur contexte économique et immobilier pour se constituer un patrimoine. Cette crainte s’ajoute à une autre, celle de l’«incertitude sur l’âge de départ auquel on pourra partir à la retraite et au niveau futur nos pensions qui seront forcément inférieures à celles d’aujourd’hui», confie pour sa part Lounès, âgé de 27 ans. «J’ai vu mes conditions de départ se durcir à chaque nouvelle loi, contrastant avec les récits de mes parents et grands-parents», raconte ce jeune homme évoluant dans la finance à Paris.
« Je travaille plus de 40 heures par semaine pour voir une part importante de mes revenus partir en impôts et cotisations qui, au lieu de financer des services publics de qualité (hôpitaux, éducation, justice, police) servent surtout à préserver le niveau de vie d’une population déjà privilégiée »
Antonin, 30 ans, cadre supérieur parisien
Pour limiter la casse, les jeunes interrogés proposent tous la même solution : baisser le montant des grosses retraites. Tout en maintenant le report de l’âge de départ à la retraite. Nicolas, gérant d’une entreprise et âgé de 36 ans, suggère de «plafonner les retraites à 2000 euros net, soit à peu près le niveau de vie médian des actifs (2490 euros en 2021, NDLR) ce qui nous permettra de réduire les charges, d’augmenter le salaire net et pouvoir migrer vers un régime par capitalisation». Marie, trentenaire et mère de deux enfants, est du même avis même si elle estime qu’imposer la capitalisation à sa génération serait une «double peine». «On aurait cotisé pour rien et nos salaires ne sont pas assez élevés pour capitaliser», explique-t-elle. Cette électrice de gauche et autoentrepreneuse bretonne se dit financièrement abattue : «Je ne gagne quasiment rien après les prélèvements CSG, qui ne cessent d’augmenter» - ils servent à financer la protection sociale (santé, retraites, allocations, chômage...). «Pourquoi devrais-je, moi, avec ma famille et un loyer à charge, verser de l’argent chaque mois à ceux qui vivent un confort que je ne connais pas ?», se désespère-t-elle.
Dialogue inflammable entre générations
Sauf que réformer le système actuel paraît presque impossible pour ces jeunes, affligés par le manque de coopération des «boomers». «C’est la génération la plus égoïste qui ait jamais existé», tacle Nicolas. De son côté, Antonin dénonce que «dès qu’une réforme, même minime (comme la suppression des 10% d’abattement pour frais professionnels ) est envisagée, on assiste à une levée de boucliers quasi unanime des retraités, qui se posent en victimes et parlent d’“euthanasie sociale”». Pour lui, cela peut s’expliquer par une forme de méconnaissance autour du fonctionnement du système : «Les boomers n’ont pas compris qu’ils touchent plus que ce qu’ils ont cotisé.» L’économiste Maxime Sbaihi observe aussi une «incompréhension» chez les retraités «qui pensent avoir cotisé pour leur retraite». Le système par répartition veut que les actifs financent les pensions des retraités en cours. À la différence que, «quand les retraités d’aujourd’hui ont cotisé, les aînés étaient moins nombreux, donc leurs prélèvements moins élevés».
Le dialogue social entre les générations est devenu, de fait, inflammable. Quand les «boomers» estiment avoir assez cotisé pour partir à la retraite à 62 ans, voire plus tôt, les jeunes regrettent d’être constamment pointés du doigt. Antoine juge qu’«on fait la guerre aux jeunes» pour leurs revendications. Valérie, 30 ans et rédactrice-traductrice à Paris, condamne, elle, les «accusations ridicules envers la jeunesse, qualifiée de paresseuse et d’égoïste».
«Attitude victimaire» légitimée par les politiques
Ces jeunes estiment que les personnalités politiques participent à cette guerre entre les générations. Selon eux, les partis ne cherchent qu’à «rassurer» les retraités dans le but d’obtenir leur électorat, au poids important. Pour la première fois, la majorité des citoyens en âge de voter est en effet âgée de plus de 50 ans, selon une étude de l’Insee. «Les politiques légitiment leur attitude victimaire», peste Valérie, quand Antoine pointe que «la démocratie semble déconnectée de l’intérêt général». Aucun de ces jeunes actifs interrogés ne se retrouve dans le paysage politique français. «J’ai hâte qu’une personnalité défende nos revendications», espère tout de même Nicolas. De toute façon, «la crise économique va prendre une telle importance dans les prochaines années qu’elle va imposer des coupes brutales», se persuade Antoine, se voulant réaliste. Du même avis, Lounès veut croire que la réforme reprendra dès la fin de la suspension en janvier 2028, bien que certains ne la jugent pas suffisante.
Pour manifester leur mécontentement, ces jeunes n’envisagent pas de protester dans les rues, dégoûtés par la récupération politique par la gauche de la mobilisation du 10 septembre dernier lancé par le mouvement «NicolasQuiPaye». Lounès pense plutôt à épargner sur un Plan d’Épargne Retraite (PER) et autres placements, «comme moyen de se prémunir contre l’incertitude future de la pension publique». D’autres s’orientent vers des projets plus extrêmes, comme celui de quitter la France. «Je réfléchis à partir vivre en Suisse d’ici deux ans», avoue Antonin, inquiet par le manque de perspectives ici. Tout comme Valérie, qui se sent démunie, et a fait le choix de la reconversion professionnelle «pour trouver un métier plus rémunérateur grâce auquel je pourrais exercer partout, notamment à l’étranger».
*Le prénom a été modifié.
Vivre etrlaisser vivre
le
Notre pays est désormais totalement paralysé à force d’être divisé Jeunes contre vieux, … Personne se comprend plus Le premier qui a mis en scène cela c’est le Pdt Sarkozy qui a cherché à gouverner en clivant Il faut constater que c’est un succès total Par pure hasard il dormira prochainement en prison
Hnz
le
Amusant de voir l'opinion de cette jeune génération qui reste a la fac jusqu'à 25 ans et plus, qui ne rêve que de voyages, de rupture conventionnelle et de travail au minimum et qui trouve que ceux qui leur ont permis de mener cette vie sont des profiteurs.
Kamik
le
Ce que cette generation a legue malheureusement c'est une societe ou regne l'individualisme, le moi moi moi, la non transmission, le materialisme, le consumerisme l'absence de spiritualite de sens de la famille. Cela a malheureusement des effets a plus long terme sur leur progeniture. Certes ils ont bati beaucoup de choses et ont travaille mais cela s'est souvent fait au detriment d'autres valeurs non materielles qui n'ont pas ete transmises d'ou les individus actuels manquant de sens, de gout de l'effort, de solidarite, de spiritualité.....et maugreant sur leurs ainés !