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En Irlande, début de l’exhumation des 796 enfants morts dans un foyer religieux

Les fouilles destinées à exhumer près de 800 enfants d’une vaste fosse septique d’un foyer catholique situé à Tuam, en Irlande, s’apprêtent à débuter ce lundi.

L’historienne locale Catherine Corless devant le site de l’ancien foyer St Mary, où 796 enfants avaient été inhumés en secret dans une fosse septique.
L’historienne locale Catherine Corless devant le site de l’ancien foyer St Mary, où 796 enfants avaient été inhumés en secret dans une fosse septique. | LUCILE COPPALLE, OUEST-FRANCE

Ils s’appelaient Kathleen, Mary ou Joseph : les premières exhumations des 796 enfants enterrés sans sépulture entre 1925 et 1960 dans un foyer religieux en Irlande débutent lundi 14 juillet 2025, plus de dix ans après la découverte du site.

Après avoir bouclé mi-juin le périmètre de l’ancienne fosse septique du foyer St Mary des sœurs du Bon Secours à Tuam, dans l’ouest du pays, les experts irlandais vont officiellement débuter l’excavation.

Objectif : retrouver, analyser, identifier si possible et inhumer dignement les restes des enfants, dont de nombreux nouveau-nés.

Ces opérations, menées avec le concours d’experts venus de Colombie, d’Espagne, du Royaume-Uni, du Canada et des États-Unis, doivent durer deux ans.

Des échantillons d’ADN ont été collectés auprès d’une trentaine de proches, un processus qui doit être élargi dans les mois à venir afin de rassembler autant de preuves génétiques que possible.

Cette quête, qui vise à sortir ces 796 enfants de l’oubli a commencé en 2014.

À cette époque, Catherine Corless, une historienne locale, met au jour des preuves détaillées attestant de leur décès dans ce foyer.

« Dignité »

Ses recherches, qui provoquent une onde de choc dans le pays et ont un retentissement mondial, conduisent à une découverte macabre : une fosse commune.

« Il n’y avait aucun registre d’enterrement, pas de cimetière, pas de statue, pas de croix, absolument rien », a raconté l’historienne, qualifiant ses décennies de travail de « combat acharné ».

« Personne ne voulait écouter », a-t-elle encore confié. « Je suppliais : ’Sortez ces bébés de ces égouts, offrez-leur l’enterrement chrétien digne qu’on leur a refusé !’ » En vain.

Les choses bougent en 2021. Une commission d’enquête nationale sur les maltraitances infligées dans ces foyers souligne des niveaux de mortalité infantile « alarmants » dans ces institutions, où 9 000 enfants sont morts selon elle.

Elle a également établi que 56 000 femmes célibataires et 57 000 enfants sont passés par 18 foyers de ce type entre 1922 et 1998.

À l’époque, les femmes enceintes hors mariage étaient enfermées dans ces foyers sous l’impulsion de l’État irlandais et de la puissante Église catholique, qui les géraient souvent de concert.

Elles y accouchaient avant d’être séparées de leurs enfants, souvent donnés à l’adoption.

« Il a été nié à ces enfants le moindre droit humain durant leur vie, ainsi qu’à leurs mères, et on les a privés de dignité et de respect dans la mort », a déclaré Anna Corrigan, dont deux membres de la fratrie sont peut-être enterrés à Tuam.

L’institution des sœurs du Bon Secours a été rasée en 1972 et a laissé place à un lotissement.

La fosse septique, elle, est restée intacte.

Il a fallu attendre 2022 pour qu’une loi autorise officiellement les fouilles. Et en 2023, une équipe a enfin été nommée pour mener les opérations à Tuam. La lenteur du processus a été dénoncée à plusieurs reprises par des proches des victimes.

Malgré tout, à 71 ans, Catherine Corless se réjouit de cette nouvelle avancée, qu’elle n’aurait, de son propre aveu, « jamais cru voir arriver ».

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