Des chercheurs viennent d’étudier une molécule particulière qui est à l’origine de la principale production d’hydrogène dans notre tube digestif. Les chercheurs ont-ils eu du flair en faisant de ce gaz un indicateur précieux pour dépister certaines maladies ?
©️ SPL / BSIP
Depuis quelques années, le microbiote intestinal passionne le grand public et le monde de la recherche. Des émissions de radio, de télévision et bien sûr des livres entiers lui sont consacrés. Dans une étude publiée en octobre1, une équipe internationale met en lumière le rôle d’une molécule oubliée de la recherche dans les réactions chimiques du microbiote : l’enzyme FeFe-hydrogénase. L’étude s’appuie sur une analyse croisée de plus de 300 génomes fécaux et 102 biopsies de l’intestin, complétée par des tests en laboratoire sur 19 souches bactériennes cultivées in vitro.
Les résultats montrent que treize d’entre elles produisent de grandes quantités de dihydrogène (H₂) grâce à cette molécule, confirmant son rôle central dans la fermentation intestinale. La réaction chimique à laquelle participe cette enzyme permet aux bactéries de transformer les sucres en acides gras à chaîne courte, bénéfiques pour notre santé. Au passage, elles dégagent du H₂, qui peut ensuite être utilisé par d’autres microbes.
Un système d’échange qui, lorsqu’il est perturbé, pourrait être le signe de troubles digestifs. « C’est la première fois qu’on démontre aussi clairement que ce type d’hydrogénase est le plus abondant et le plus actif chez l’humain sain, déclarent les auteurs de l’étude. Il est même présent chez 62 % des bactéries intestinales isolées, ce qui en fait une signature enzymatique du microbiote équilibré. »
Capable de détecter la maladie de Crohn
Longtemps, les chercheurs ont pensé que la production de H₂ dans l’intestin était le fait d’autres enzymes mais qui s’avèrent finalement minoritaires dans les microbiotes humains. Cette découverte remet en question les modèles classiques de fermentation et de digestion. En comparant des données issues de 871 personnes en bonne santé avec celles de 790 patients atteints de maladies chroniques, notamment la maladie de Crohn, les auteurs observent une chute nette des gènes de cette hydrogénase.
« Dans les cas de Crohn, ces molécules sont 2,3 fois moins représentées au profit d’autres, plus associées aux déséquilibres microbiens », précisent les chercheurs. Autrement dit, la simple présence ou absence de cette enzyme pourrait refléter l’équilibre global du microbiote. Et, pourquoi pas, devenir un indicateur de santé digestive ou un outil de diagnostic précoce.
La recherche n’en est pas encore à ce stade et les auteurs prennent des précautions car la corrélation entre ces enzymes et la santé ne prouve pas une causalité. Il faudra attendre d’autres études cliniques pour établir ce lien, mais la piste semble intéressante. D’autant que ces résultats concernent aussi d’autres pathologies chroniques comme le diabète de type 2, la cirrhose ou encore le cancer colorectal, où le déséquilibre entre les différents types d’hydrogénases semble également marqué.
Si l’hypothèse technologique de la batterie à hydrogène stagne, l’idée d’un intestin à hydrogène pourrait devenir un levier thérapeutique. Parmi les applications envisagées, des pistes concernent des probiotiques enrichis en bactéries produisant cette enzyme, des tests salivaires ou respiratoires, voire des interventions ciblées sur l’équilibre enzymatique du microbiote. « L’hydrogène produit dans notre ventre modifie aussi la composition des acides gras, la régulation de la bile et les processus inflammatoires. Il pourrait même agir comme antioxydant dans certaines situations », concluent les auteurs. De quoi transformer ce gaz, autrefois perçu comme un simple résidu digestif, en acteur clé de notre santé globale.
La biodiversité du microbiote
D’une manière générale, le microbiote désigne l’ensemble d’une flore microbienne dans un système donné. Lorsqu’il est intestinal, il désigne donc l’ensemble des micro-organismes (bactéries, archées, protistes…) qui peuplent notre tube digestif, en particulier le côlon. Ces microbes jouent un rôle fondamental dans la digestion des sucres complexes issus de l’alimentation, en les transformant par fermentation en acides gras à chaîne courte (comme le butyrate ou l’acétate), bénéfiques pour notre santé.
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