Cher Bruno Attal - Boxing Day #56

Cher Bruno Attal,

Quelle semaine !

Lundi 10 novembre, vous affirmiez sur votre compte X, commentant une photo de Nadeen Ayoub, représentante de la Palestine au prochain concours de Miss Univers, que « Miss Palestine est une bombe (pas du HamaSS j’ose l’espérer) », comme c’est drôle, avant de poser la question : « Elle n’a donc subi ni famine ni génocide ? », un trait d’esprit éminemment bienvenu et particulièrement représentatif du raffinement dont vous êtes coutumier. Trois jours plus tard, dans un autre style, vous publiiez une vidéo d’une altercation entre des jeunes et des policiers assortie d’une subtile « analyse » adressée à vos 139 000 abonnés : « Les racailles ont tout compris, la "justice", les médias, l’administration Macron, Mélenchon sont de leur côté. Les policiers seront lynchés, suspendus, pourchassés puis emprisonnés s’ils font le boulot ! », c’est vrai que c’est toujours comme ça que ça se passe.

Notre attention ayant été attirée par ces posts pleins de finesse, de sagesse et de mesure, nous avons décidé d’explorer davantage vos récentes publications puisque, reconnaissons-le, nous ne faisons pas partie du premier cercle de vos fans et que nous accusions un certain retard sur vos productions. Nous nous sommes ainsi aventurés sur votre compte X, particulièrement riche avec plus de 21 000 posts depuis septembre 2021, soit près de 14 par jour en moyenne, félicitations, avec une très intense activité ces derniers jours : près de 100 publications entre le 10 et le 13 novembre, attention aux entorses du pouce. Et nous n’avons évidemment pas manquer d’étudier votre chaîne YouTube, sobrement baptisée « Touche pas à mon flic », qui compte un peu plus de 60 000 abonnés, tout de même, et sur laquelle ont été publiées, à ce jour, 204 vidéos de qualité, disons, inégale, alternant entre le très mauvais et le franchement misérable.

Et force est de constater, soyons honnête, que vos insanités semblent rencontrer un certain succès, avec sur X, depuis le 1er septembre, une cinquantaine de posts ayant recueilli plus de 1000 likes et une vingtaine plus de 5000, quel succès, confirmant qu’il existe un public pour des publications telles que :

- « Chaoulia Abed qui a tué Mathis à Lille après un refus d’obtempérer est connu pour 16 infractions. À choisir je préfère que 20 Nahël ou Chaoulia soient neutralisés par la police pour sauver ne serait-ce que 1 Mathis » (3 novembre 2025, plus de 11 000 likes) ;

- « La Delogu [surnom dont vous affublez le député LFI Sébastien Delogu] est partie en vacance en Algérie. Il ne risquait rien, là bas ils n’emprisonnent que les intellectuels » (14 octobre 2025, plus de 10 000 likes) ;

- « Bonjour Manon Aubry puisque vous êtes en Palestine, pourriez-vous avoir le courage de sortir votre drapeau LGBT ? En Israël vous n’auriez aucun problème. Le courage c’est ça non ? Elle ne répondra évidemment pas… » (12 novembre 2025, près de 7000 likes) ;

- etc.

Cher Bruno Attal, certains et certaines, parmi nos lecteurs et lectrices, se diront sûrement qu’il est logique que de telles immondices soient appréciées de nombreux usagers du réseau social d’Elon « salut nazi » Musk, et ils et elles n’auront pas forcément tort. Les mêmes se demanderont en outre, peut-être, à quoi bon vous adresser cette missive, tant votre cas est désespéré et, en un certain sens, désespérant, mais ce serait oublier que l’un des buts de nos lettres est aussi de mettre un coup de projecteur sur certains individus dont la trajectoire et le succès, fusse-t-il relatif, agissent comme des révélateurs, au sens photographique, de l’air du temps. Et l’atmosphère étant de plus en plus irrespirable, il est somme toute logique que votre nom ait fini par apparaitre sur nos écrans radars et que le temps soit venu pour vous de figurer à votre tour au palmarès du Boxing Day.

Inconnu du grand public il y a encore cinq ans alors que vous étiez « simple flic », vous avez accédé à la notoriété en février 2021 grâce à une vidéo consacrée à « l’affaire Michel Zecler », du nom de ce producteur de musique tabassé par trois policiers le 23 novembre 2020 sous l’œil de caméras dont le média Loopsider avait révélé les images le 26 novembre, suscitant une légitime indignation. Trois mois plus tard, le syndicat d’extrême droite France Police, que vous veniez de rejoindre, diffusait une vidéo, dont vous étiez l’unique protagoniste, sobrement titrée : « Affaire Zecler : la manipulation du site Loopsider démasquée par un policier ». Quinze minutes durant lesquelles vous affirmiez que les journalistes auraient trafiqué les images de l’agression, qu’ils auraient menti sur la réalité des violences et que les policiers auraient agi en état de « légitime défense ».

Une théorie pour le moins audacieuse lorsque l’on regarde les images, et qui repose en outre sur une série de mensonges de votre part, qui ont été facilement débunkés par David Perrotin, l’un des journalistes à l’origine de l’affaire. Ce qui n’a pas empêché l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs actuelles de se faire largement l’écho de votre prétendue démonstration, également popularisée, entre autres, par l’inénarrable Gilles-William Goldnadel, avocat-chroniqueur au FigaroVox et sur CNews. Votre vidéo, par ailleurs relayée par plusieurs « gros comptes » de la fachosphère, cumulera ainsi rapidement 250 000 vues, ce qui vous vaudra, qui s’en étonnera, d’être repéré par les équipes de Cyril Hanouna et d’être invité, début mars, sur le plateau de « Touche pas à mon poste », sur lequel vous reviendrez à trois reprises ensuite après avoir fait étalage, lors de la première, de vos qualités de « grande gueule ».

Et voilà comment, cher Bruno Attal, en l’espace de quelques mois et sur la base de mensonges concernant une affaire de violences policières qui vaut aujourd’hui à quatre fonctionnaires d’être renvoyés devant les tribunaux, vous avez pu acquérir une notoriété grâce à l’appui des médias d’extrême droite en général et de la sphère Bolloré en particulier, jusqu’à devenir, ainsi que le résumait Marianne dans un portrait publié en février 2022, « le flic influenceur préféré de la droite dure », quel talent. Un symptôme de la période en somme, avec une ascension qui en dit finalement tout autant sur vous que sur les idées à la mode, les logiques médiatiques et le rôle notablement néfaste d’individus comme Cyril Hanouna, prêts à tendre leurs micros à n’importe quel quidam tant qu’il est susceptible de générer un bon buzz d’extrême droite, comme lorsque vous avez traité de menteur, en direct sur le plateau de C8, un jeune homme affirmant, constats médicaux à l’appui, avoir été frappé et violé par des policiers quelques semaines auparavant.

En toute logique, vous avez rejoint quelques mois plus tard l’équipe de l’alors candidat à la présidentielle Éric Zemmour, participant « au groupe de travail sur le volet police-justice de son programme », avant d’être candidat aux élections législatives de juin 2022, sous l’étiquette du parti zemmouriste Reconquête, dans la quatorzième circonscription du Rhône — qui comprend notamment les villes de Vénissieux et Saint-Priest. Votre programme ? C’est vous qui en parlez le mieux : « Je voulais une circonscription où le grand remplacement est un fait. C’est-à-dire où les Français ont été chassés. Je veux montrer comment les islamo-gauchistes ont fait partir les Français pour prendre le pouvoir municipal et ensuite le pouvoir législatif. C’est le programme des Frères musulmans pour faire de l’emprise dans tous les corps de la France pour appliquer leur programme mortifère ».

Voilà voilà.

« Avec mon aura médiatique, on ne sait jamais », expliquiez-vous alors au sujet de l’hypothèse de votre élection, avant de réaliser le score de 5,38%, ce qui est certes honorable pour une première mais pas formidable non plus au vu des ambitions affichées : il vous aurait en effet fallu cinq fois plus de voix pour être au second tour d’une élection finalement remportée par Idir Boumertit, candidat LFI-NUPES. Vos téméraires initiatives de campagne n’auront pas suffi, comme celle consistant à vouloir organiser une conférence de presse dans un stand de tir afin de « mettre les journalistes en situation de légitime défense pour qu’ils comprennent pourquoi les policiers ont besoin de tirer », fichtre. Le reste, c’est le Progrès qui raconte : « Pas de vraies armes à feu sur place, mais des pistolets Airsoft, pour s’entraîner à dégainer, viser une cible en carton, et simuler des situations où les forces de l’ordre peuvent se retrouver en légitime défense, en tirant avec des billes sur le protagoniste à neutraliser » (sic). Une certaine vision de la politique et de la presse en somme, mais soulignons toutefois qu’au moins vous n’avez pas fait comme votre mentor Éric Zemmour qui s’était, lui, « amusé » à viser des journalistes avec un fusil lors d’un salon consacré à la sécurité intérieure, c’est toujours ça de pris.

Pas forcément très bon joueur, vous aviez déclaré, après cette piteuse élection, ce qui suit : « J’avais la circonscription la plus pourrie ! ». Tout s’explique donc, sympa pour les habitants du coin. Et de poursuivre : « Je m’attendais à un meilleur score. Je souhaite le remboursement de ma campagne », fais les valises on rentre à Paris. Avant d’enfoncer le clou : « On a forcément commis des erreurs. Les électeurs ne nous comprennent pas. [Mais] ceux qui pleurent toute la journée devraient aussi se remettre en question. Ils ont fait le choix de la Nupes, qu’ils se débrouillent ! », c’est élégant. Visiblement vous n’aviez pas reçu à temps le mémo de Reconquête dans lequel sont consignées les raisons pour lesquelles il est déconseillé, lorsque l’on se plante lamentablement à une élection, d’expliquer que c’est parce que les électeurs sont trop cons, mais on ne peut pas être bon partout.

Cher Bruno Attal, nous ne savons pas si c’est cette déroute aux législatives qui explique la hargne toute particulière dont vous avez fait preuve, à partir de juin 2022, contre un certain nombre de députés de gauche, entre autres et notamment de La France insoumise, dans un style, on s’en doute, toujours particulièrement distingué. Vous avez ainsi multiplié les attaques et les outrances contre, entre autres, Louis Boyard, Sébastien Delogu, Mathilde Panot, Ersilia Soudais, David Guiraud ou encore Rachel Keke, ainsi que contre les députées européennes Manon Aubry et Rima Hassan, avec au total des centaines, voire des milliers de publications visant ces élus et élues, ainsi que d’autres personnalités de gauche. Et s’il est impossible ici de lister l’ensemble des abjections que vous avez proférées durant ces années, on en citera tout de même quelques-unes afin que nos lectrices et lecteurs puissent mesurer la profondeur de votre « pensée » :

- « Jean-Luc Melenchon ne veut plus de langue française mais une langue créole. Entre Keke qui ne sait pas parler et Delogu qui ne sait pas lire, on peut comprendre » (juin 2025) ;

- « Rima HaSSan [sic] a posé un pied en terre d’Israël (il faudra désinfecter). Elle sera donc interdite de retourner en Algérie. Dommage je voulais proposer un échange avec Boualem Sansal » (février 2025) ;

- « Grâce à Libération je viens d’apprendre qu’Ersilia Soudais avait un compagnon. Il ne doit pas être juif » (janvier 2024) ;

- « D’après Mathilde Panot, Nahël et Adama Traoré sont morts d’un accident du travail » (mai 2024) ;

- « Sa haine des juifs et son antisémitisme dégouline de tous ses porcs » (à propos de David Guiraud, mai 2024) ;

- « Delogu est limité intellectuellement, mais Ersilia Soudais je pense que cela relève de la psychiatrie » (février 2025) ;

- « Il ne reste plus beaucoup de juifs à Villeneuve-Saint-Georges. En cas de victoire de Louis Boyard, il faudra fuir ce nouveau kalifat [sic] où les islamistes et les racailles pullulent » (février 2025) ;

- etc.

Avec, sans surprise, une appétence toute particulière pour le sexisme le plus crasse, par exemple :

- « Ersilia Soudais est une sirène. Moitié femme moitié thon » (septembre 2024) ;

- « Aujourd’hui avec Manon Aubry et LFI si vous débattez avec une femme hystérique vous êtes sexiste » (décembre 2024) ;

- « Manon Aubry la Bécassine islamogauchiste aux couleurs de la Palestine ignore qu’aucun juif ne vit à Gaza car il serait égorgé » (juin 2024) ;

- « Mathilde Panot et Manon Aubry ramènent discrètement du Viagra en Pologne. Courage amis polonais et ne dépassez pas la prescription » (avril 2025) ;

- « Chère Sandrine Rousseau vous manquez de pudeur à révéler vos fantasmes » (novembre 2023) ;

- « Pourriez-vous arrêter de traiter Mathilde Panot de poissonnière ? Il s’agit d’un métier noble » (juin 2023) ;

- « Tout le monde sait que Ségolène Royal est une idiote, incompétente et opportuniste » (mai 2025).

Jusqu’à l’ignominie :

- « Gérard Miller vous a hypnotisée Sandrine Rousseau ? » (février 2024) ;

- « Apparemment Rachel Keke a trouvé un nouveau travail au Sofitel. Elle souhaite remercier personnellement Dominique Strauss-Khan quand elle lui fera sa chambre » (juillet 2024).

Histoire de rester poli nous nous abstiendrons ici de tout commentaire.

Ces outrances à répétition vous ont valu d’être régulièrement l’objet de plaintes, de poursuites et de procès, le dernier en date étant celui qui s’est tenu le mardi 4 novembre devant la 13e chambre correctionnelle de Marseille, suite à une action en justice du député Sébastien Delogu qui n’a guère goûté votre acharnement à son encontre et le fait que vous l’ayez traité, entre autres de « racaille », « [d’]islamiste », « [d’]âne » ou de « crasse incarnée ». Avec durant l’audience, au cours d’un procès pour « injures publiques » donc, une défense pour le moins hasardeuse de votre part : « Je tape sur Delogu parce que j’estime qu’il est intellectuellement limité. J’ai le droit de le taquiner, de le brocarder », nous n’avons de toute évidence pas la même définition du mot « taquiner ».

Vous vous êtes à cette occasion, d’après la Provence, vanté d’avoir « 14 procès en cours contre LFI », et en plus il en est fier, et de toute évidence vous adorez les tribunaux (1) puisque, quelques jours plus tard, vous avez annoncé déposer une plainte contre… la Provence, que vous accusez de « diffamation » pour avoir, selon vos termes, « dit que j’ai été révoqué par Darmanin pour des absences : FAUX » et « avoir oublié de dire que j’avais fait appel de la décision contre LFI je suis donc présumé innocent ». L’occasion de rappeler que vous avez en effet été condamné, en février dernier, pour « injure publique » contre La France insoumise en raison d’un post dans lequel vous affirmiez, en août 2022, que « si LFI avait connu la cachette d’Anne Frank, elle n’aurait pas eu le temps d’écrire une seule ligne », c’est très fin. Une décision contre laquelle vous avez bel et bien fait appel, ce qui fait certes de vous aux yeux du droit un présumé innocent mais qui ne retire rien au caractère abject de vos propos, a fortiori lorsqu’ils émanent d’un soutien d’Éric Zemmour, autrement dit de celui qui a affirmé que Pétain avait « sauvé les juifs français », on va vomir et on revient.

L’occasion de rappeler aussi, en toute rigueur, que, contrairement à ce qu’a écrit la Provence dans son article rendant compte du procès, vous n’avez effectivement pas été révoqué de la police pour absentéisme, dont acte. Ce qui n’enlève rien au fait que derrière cette information inexacte se cachent deux informations parfaitement exactes, à savoir que :

- vous avez bien été révoqué de la police en 2023, suite à un conseil de discipline et à la validation de la sanction par le ministre de l’Intérieur de l’époque Gérald Darmanin, révocation confirmée par le tribunal administratif en août 2023, qui a souligné une « méconnaissance [du] devoir de réserve et du devoir de loyauté à l’égard de l’autorité judiciaire » et une « insuffisance de dignité » dans vos prises de position publiques (2) ;

- vous avez bien été visé par l’administration pour vos absences répétées, ainsi que l’avait révélé Europe 1 en juillet 2023, avec pas moins de 2568 jours d’absence entre le moment où vous avez rejoint la police (1999) et celui vous êtes devenu syndicaliste à temps plein (2021), « soit en jours de travail ouvrés l’équivalent de 11 années d’activité, autrement dit, la moitié de [votre] carrière », belle performance.

Bien loin, au total, de l’image du flic de terrain, besogneux et dévoué, que vous aimez cultiver dans les médias et sur les réseaux sociaux, ainsi que dans votre ouvrage Un Flic à liquider, publié en mai 2024, lequel se résume à une collection d’anecdotes invérifiables dans laquelle vous vous attribuez le rôle du défenseur de la veuve et de l’orphelin face à la « racaille », et du justicier forcément en butte à une hiérarchie déconnectée du « terrain ». Avec quelques morceaux de bravoure, à la lecture desquels nous avons eu du mal à nous retenir de rire :

- « Avec mon équipe de policiers auxiliaires, d’adjoints de sécurité et de gardiens de la paix, j’avais décidé de rétablir l’ordre et la sécurité à Goussainville » (3) ;

- « Après 10 mois comme stagiaire à Goussainville, j’avais fait parler de moi. Les vrais flics m’aimaient bien ; ils constataient que je faisais beaucoup d’interpellations, que je travaillais sérieusement » (4) ;

- « Je me méfiais quand même de l’administration qui pourrait me renvoyer pour n’importe quelle bêtise — surtout si je montrais que je voulais travailler pour l’intérêt général, et non pour les politiques comme le font les carriéristes » (5) ;

- etc.

Un livre introduit par l’ineffable Jean Messiah, qui écrit entre autres, dans sa préface, ce qui suit : « Nos forces de l’ordre sont ainsi depuis des décennies prises en tenailles entre deux haines viscérales : par le haut, celle du système antinational qui veut en finir avec la France une fois pour toutes ; par le bas, celles des racailles issues de certaines immigrations, chaque année de plus en plus nombreuses à la faveur d’une invasion migratoire voulue et organisée par nos élites ». Autrement dit les gentils flics en lutte contre le « grand remplacement » : voilà qui résume plutôt bien votre vision du monde, formulée ici par celui qui explique en outre « [avoir] rencontré Bruno Attal pour la première fois dans une loge qui [vous] avait été communément attribuée par TPMP avant [votre] passage conjoint sur le plateau de Cyril Hanouna », décidément il s’en passe des choses dans les coulisses des médias Bolloré, c’est émouvant.

Au cours de la lecture de votre livre, cher Bruno Attal, nous avons en outre appris que, né en France d’une famille d’origine israélienne, vous aviez décidé, à l’âge de 19 ans, de vous rendre en Israël pour y faire votre alyah, avec l’objectif « d’entrer chez les Golanis, les gardes-frontières israéliens » (6), tout un programme. Mais l’expérience ne fut visiblement pas à la hauteur de vos espérances puisque, après vous êtes installé dans un kibboutz, vous avez eu « une altercation avec un Américain », dont vous prétendez avoir cassé le nez, avant d’être accusé d’avoir « cassé des frigos » dans le kibboutz, à tort selon vous puisque vous rejetez courageusement la faute sur d’autres Français, dont votre compagne de l’époque, très classe. Résultat : « Un jour, j’étais dans mon lit : deux hommes armés sont entrés dans ma chambre et m’ont donné l’ordre de rassembler mes affaires » (7). Autrement dit, vous avez réussi l’exploit d’être, en une seule vie, expulsé d’un kibboutz en Israël et viré de la police française, très honnêtement vous mériteriez d’être décoré pour cette performance probablement unique en son genre.

Et depuis que vous avez été jeté de la police, vous avez multiplié les casquettes, puisque vous vous présentez aujourd’hui comme « journaliste » pour « Touche pas à mon flic », défense de rire, que vous êtes par ailleurs depuis peu l’heureux patron d’un bar dans le Ve arrondissement de Paris, lieu de rendez-vous de militants identitaires et homonationalistes, et que vous avez également trouvé le temps de parrainer « Droite au cœur » une application de rencontre destinée aux « célibataires patriotes », ça fait rêver. Et vous continuez en outre de vous exercer à la critique des médias, avec la subtilité qui vous caractérise, en expliquant par exemple « [qu’]il n’y a pas de famine à Gaza il y a des acteurs et de faux journalistes », d’accord, que Blast est « le caniveau du journaliste » (sic) et incarne « la haine des flics, la haine des juifs, la haine de la France », c’est bien noté, ou en trouvant judicieux — et très certainement drôle — de commenter ainsi la condamnation de la réalisatrice Maïwenn suite à une agression commise sur Edwy Plenel : « 400€ pour tirer les cheveux et cracher au visage d’Edwy Plenel ? On peut payer d’avance ? », OK bourrin. Un véritable touche-à-tout donc, vous qui aviez déjà par le passé participé au lancement et occupé les fonctions de rédacteur en chef (bénévole) d’un magazine télé gay, Equivok TV, un échec, créé une application de rencontres gay, NoMytho, un échec, et réalisé un court métrage, Policiers en colère, dans lequel vous jouez le rôle principal et où l’on retrouve votre petit camarade Jean Messiha dans le rôle d’un commissaire, on a essayé de regarder en entier mais on n’a pas tenu (8).

Vous semblez ainsi, au total, avoir pris — provisoirement ? — vos distances avec la politique organisée, visiblement échaudé par votre désastreuse expérience électorale, et n’étant plus flic vous n’arborez plus l’étiquette du syndicat France Police, dont vous partagez néanmoins toujours les positions. Un syndicat dont nous n’avons pas oublié qu’il fut l’auteur, suite à l’assassinat de Nahel Merzouk en juin 2023, du post suivant : « Bravo aux collègues qui ont ouvert le feu sur un jeune criminel de 17 ans. En neutralisant son véhicule, ils ont protégé leur vie et celle des autres usagers de la route. Les seuls responsables de la mort de ce voyou sont ses parents, incapables d'éduquer leur fils. » Un sympathique groupuscule donc, qui s’était aussi distingué par une lettre ouverte résumant sa/votre vision de l’ordre : « Il faut procéder au bouclage des 600 territoires perdus de la République, y compris avec le renfort de l’Armée, en contrôlant et en limitant les entrées et sorties de ces zones par des checkpoints sur le modèle israélien de séparation mis en place avec les territoires palestiniens. […] Notre syndicat de police vous recommande de vous inspirer du modèle brésilien et Philippin en matière de lutte contre le narco-terrorisme. Les présidents Bolsonaro et Duterte obtiennent d’excellents résultats en ayant donné carte blanche à la police pour reprendre le contrôle des zones de non droit ». No comment.

Cher Bruno Attal, vous êtes in fine un symptôme de l’air du temps, un de ces « flics influenceurs » aux positions et à l’audience révélatrices d’un « certain état d’esprit » dans la police, dont les récentes révélations de Mediapart et Libération sur l’ampleur des violences perpétrées à Sainte-Soline en mars 2023 et sur l’enthousiasme avec lequel elles ont été commises ne sont que le dernier épisode. Au-delà, votre ascension, votre notoriété et votre sentiment d’impunité participent du processus de fascisation en cours, face auquel, ne vous en déplaise, nous ne baissons et ne baisserons pas les bras, y compris en continuant de documenter sans relâche les propos et les agissements de la nébuleuse des personnages malfaisants à laquelle vous appartenez, et ce même si vous n’êtes, à titre individuel, rien.

Cordialement,

Jules Blaster

__________

(1) Soulignons toutefois que vous n’avez l’air d’apprécier les tribunaux que dans une certaine limite. Ainsi, alors que vous semblez multiplier les procédures en « diffamation » et en « injures publiques » et que vous menacez régulièrement de poursuites ceux qui vous tancent sur les réseaux sociaux, vous n’avez jamais, à notre connaissance, agi contre ceux qui, depuis des années, signalent que certaines de vos publications Instagram, entre autres des photos postées depuis la Thaïlande et agrémentées des hashtags #gayteen et #boys, sont pour le moins… douteuses. Nous n’en concluons évidemment rien, mais vous avouerez que ça interroge.

(2) Notons d’ailleurs ici que vous aimez répéter que vous avez été révoqué de la police pour avoir déclaré, suite à la mort du jeune Nahel Merzouk, tué d’un tir à bout portant lors d’un contrôle policier à Nanterre, ce qui suit : « Je préfère une racaille morte qu’un policier mort ». Sachant que le conseil de discipline qui a proposé votre révocation s’est déroulé le 9 mars 2023 et que Nahel a été tué le 27 juin 2023, on se dit que vous avez décidément un rapport quelque peu contrarié aux faits. Mais vous n’avez toutefois pas, à notre connaissance, porté plainte contre vous-même suite à la diffusion de cette fake news.

(3) Page 32 du PDF de la version électronique du livre Un Flic à liquider.

(4) Idem, page 43.

(5) Idem, page 32.

(6) Idem, page 19.

(7) Idem, page 20.

(8) Contrairement à MacCAM, contributeur du site Sens Critique, qui a publié une critique dans laquelle on peut lire, entre autres, ceci : « Le mixage sonore est atroce, j'ai cru qu'il y avait un tremblement de terre dans ma maison lors de l'introduction, comme si une entité avait tenté de m'épargner cette purge. Cette dernière n'y étant pas arrivée, et aimant de toute façon me faire du mal, j'ai tout de même regardé cette horreur jusqu'au bout. Les acteurs sont tous mauvais, on dirait qu'ils jouent tous dans un film différent : hommage à Jean Messiha qui en deviendrait presque hilarant si on oubliait qu'il est sérieux. »